EDITORIAL TRIMESTRIEL de Jean Pellegrino [Actualité économique et du crédit du 1 janvier au 31 mars 2006] - ARC®

Banque Postale : entre adaptation au marché français et modèles Européens.

Les "victimes" de la Banque Postale ne sont pas si nombreuses. De tous les établissements qui en avaient appelé à l'arbitrage de Bruxelles (et ce bien avant l'avènement du nouveau géant bancaire français) seuls le Crédit Agricole et LCL présentent un solde négatif en matière de "fuite" de clientèle. Le nouvel arrivant, pas tout à fait un novice, faut-il le rappeler, ne révolutionne donc pas pour l'instant le paysage bancaire français. Il n'en sera peut-être pas de même à la fin de l'année, lorsque la Banque Postale recevra l'autorisation de distribuer du crédit à la consommation... Contrainte à conclure un partenariat avec un organisme de prêt (Société Générale ou, plus sûrement Cofinoga du groupe BNP), la Banque Postale laissera-t-elle toujours autant de marbre les clients de ses concurrents ? Rien n'est moins sûr, d'autant que les dits concurrents ne la quittent pas de l'œil et suivent de près le respect des contraintes fixées à leur nouveau "collègue" : extension en matière de distribution du livret A, nature de ses rapports (incestueux ?) avec le groupe La Poste, respect de l'abaissement du coefficient d'exploitation. Si la Banque Postale doit chercher des modèles, nous ne saurions trop l'encourager à se tourner vers ses collègues européens qui, Anglais, Italien, Espagnol ou surtout Hollandais, ont réussi à se tailler leur place grâce, notamment, à leur solide notoriété et à la confiance qu'ils inspirent à leur marché domestique. Mais, comme la plupart d'entre eux, la Banque Postale doit encore convaincre de la compétitivité d'une offre somme toute pas encore tout à fait déployée.

Harmonisation du crédit en Europe : ça discute toujours beaucoup...

Si l'on en croit les professionnels du secteur bancaire et des associations de consommateurs consultés par la Commission européenne, l'harmonisation des réglementations de l'offre bancaire en Europe ne présente qu'un faible intérêt au regard des complications qu'elle entraînerait. Mieux vaut donc rester pragmatique et cibler les points d'harmonisation autour de ce qui "fait mal", à Rome comme à Paris, à Berlin ou à Madrid : l'information sur le produit et la protection du consommateur (TEG, modalités de remboursements anticipés, frais...etc). Les 20 dirigeants siégeant à l'European Financial Services Round Table (EFR) ne disent pas autre chose lorsque, soulignant tout à la fois la réalité du concept de "Consommateur européen" et la fragmentation des réglementations censées protéger les consommateurs nationaux, ils proposent, eux aussi, la "pleine harmonisation ciblée", sorte de "troisième voie" entre harmonisation totale et harmonisation fondée sur le respect d'un corpus de règles minimum. Le positionnement du curseur entre une harmonisation contraignante (défendue par les associations de consommateurs) et une harmonisation fondée sur des points précis et limités (position des professionnels) ne paraît donc plus que le dernier avatar d'un débat certes ancien, mais aujourd'hui plus ou moins clos. Qu'on se le dise, le crédit à la consommation, produit particulièrement distribué en Europe, est donc l'objet de toute l'attention de la Commission européenne. Cependant, poursuivi par le mauvais sort, il semblerait que le projet d'harmonisation, même considérablement réduit (nouveau sens du mot "ciblé"), ne voit pas le jour de si tôt, tant les difficultés persistent. L'heure est toujours aux discussions et à la recherche d'un compromis visant à "clarifier les points qui font l'objet d'une reconnaissance mutuelle ou supprimer ce principe et les harmoniser au maximum"... Wouaou ! De bien belles discussions, comme on aimerait en voir plus souvent...

Evolution du marché de l'immobilier : vers un scénario de retournement ?

C'est à une augmentation du nombre de défaillances sur les emprunts immobiliers que l'on assiste aux Etat-Unis. Des taux historiquement hauts commencent à asphyxier un marché américain du crédit déjà considérablement alerté ces derniers mois par des statistiques plutôt moroses au sujet du nombre de défaillances relatives aux cartes de paiement. Le scénario de retournement du marché de l'immobilier annoncé pour 2006 depuis l'an passé serait donc, selon certains analystes, sur le point de se dérouler, au moins aux Etats-Unis. Malgré l'imminence de ce scénario (alimenté par une baisse de la solvabilité des ménages américains, champions du refinancement hypothécaire) les associations de consommateurs semblent bien seules pour s'opposer à la réforme du crédit hypothécaire qui autorisera le recours en France aux crédits dits "rechargeables" qui engagera le patrimoine immobilier des ménages pour l'acquisition de biens de consommation. L'Espagne, quant à elle, semble ignorer tout autant ce risque en autorisant le financement de biens immobiliers sur 50 ans, au moyen de taux ... variables. Plus exotique, mais preuve d'une véritable "harmonisation mondiale" en la matière, le marché chinois n'est pas moins exposé, avec, compte tenu de l'absence de cadre réglementaire suffisamment protecteur pour le particulier, un risque social bien supérieur. Mais, dans ce domaine comme dans d'autres, il semblerait que l'exception française puisse encore s'exercer, aux dires de certains analystes, tant les établissements seraient peu exposés aux risques liés à l'immobilier. Le financement immobilier (surtout à taux variable) entrerait en effet pour une part moindre dans les profits de nos banques que d'autres produits issus, par exemple, de l'épargne financière. Le risque serait même supporté en grande partie par les organismes de cautionnement... Et que dire des opportunités qu'offrira le crédit rechargeable en termes de produit bancaire ? Conclusion : les banques se moquent d'un marché surévalué de 30% par rapport à une moyenne historique et s'apprêtent à distribuer les crédits rechargeables et autres viagers hypothécaires dont le projet d'ordonnance du gouvernement a été dernièrement avalisé par le comité consultatif de la législation et de la réglementation financière.

Actualité en France

L'actualité de ces derniers mois fut marquée, en France comme en Europe, par la figure omniprésente du groupe BNP Paribas. Au-delà d'un développement international remarquable et remarqué, c'est sa filiale CETELEM qui poursuit son développement direct en réaffirmant sa confiance en son modèle de distribution multicanal. Notons au passage la nouvelle mission de CETELEM, la plaçant de fait à la tête de la gestion des crédits à la consommation de l'ensemble du groupe : un tel statut ne serait-il pas susceptible de fournir à quiconque les motifs de quiétude et de sérénité affichés par "l'heureuse filiale" ? Une situation que ne connaît certes pas encore son concurrent direct SOFINCO, mais dont celui-ci entend certainement se rapprocher au travers d'une politique avouée de synergie et de partenariat avec sa maison mère le Crédit Agricole, ainsi qu'avec les autres filiales du groupe (LCL et Finaref). Le crédit à la consommation serait-il donc destiné à un avenir aussi radieux qu'il y parait ? L'affaire est complexe. En effet, malgré l'abandon du projet de Service Bancaire Universel (pourtant appelé de ses vœux par le gouvernement fin 2005) et le maintien du mode actuel de calcul du taux de l'usure limitant de fait la rémunération du risque, un chiffre (celui de 600.000 ménages solvables n'ayant pas encore accès au crédit) ne cesse pourtant d'aiguiser les appétits des grands prêteurs français. Ceux-ci claironnent leur volonté de porter le consommateur de produits bancaires français vers les sommets que fréquentent les Anglais ou les Allemands. Partantes pour assimiler le CNE à un CDI, les banques souhaiteraient visiblement investir ce marché des emprunteurs "solvables" mais, comme nous le signalions dans le précédent Editorial, au prix d'une rémunération du risque que l'évolution de la réforme sur le crédit à la consommation en France ne semble pourtant pas prête à leur accorder. Aucune autorisation non plus en vue de la mise en place d'un "fichier positif", tout au plus peuvent-ils espérer la création d'un outil centralisateur qui leur permettra de repérer une clientèle potentielle "capable de gérer un passif raisonnable". Devant cette résistance observée des autorités françaises de régulation, bon nombre des établissements bancaires en viennent à espérer à présent des avancées du côté de l'harmonisation européenne... Notons cependant que le marché des produits financiers en France ne semble pas plongé dans la morosité que de telles dispositions pourraient laisser supposer. Le développement des équipes commerciales prévu par les grands établissements témoignerait même du contraire, tout comme le succès rencontré par un certain nombre de réseaux de courtage ou de distribution tels Meilleurtaux ou Boursorama dont les projets de développement témoignent d'une remarquable stratégie d'adaptation au marché. Une étude du cabinet Forrester pourrait leur donner raison. En effet, celle-ci fait état d'une plus grande segmentation d'une clientèle dont les motivations demeurent variées et qui est désireuse de dépasser les stricts cadres nationaux qui lui sont imposés. Dans un tel contexte, les terrains d'affrontements entre les deux géants français BNP Paribas et Société Générale, tous les deux sûrs du modèle qu'ils représentent, ont selon nous valeur d'indication : maîtrise sur un marché intérieur devenu sans doute plus complexe et développement à l'international. Pour l'une, la BNP, la manoeuvre consiste certainement à confirmer le mouvement d'acquisitions entrepris depuis longtemps ; pour l'autre, la SG, la stratégie repose sans doute sur un développement toujours plus rentable des réseaux existants. D'une manière ou d'une autre, c'est bien vers l'extérieur que se tournent aujourd'hui leurs regards...

Actualité en Europe et dans le Monde

Ne nous y trompons pas, la stratégie des grands établissements bancaires français que nous venons d'évoquer n'est pas isolée. Les plus importants établissements des pays riches cherchent à acquérir leur part du gâteau mondial, à l'Est comme en Orient ou en Asie. Le tableau est d'ailleurs d'une simplicité confondante : côte à côte, BNP, SG, HSBC, BBVA, ABN AMRO, HVB, Santander, City Group, Commerzbank, Crédit Agricole, Lloyd's (et tous les géants de la banque occidentale dopés par une profitabilité et une croissance mondiale historiques), face à face avec les établissements des nouveaux Eldorado Chinois, Hongrois ou Russes. L'Europe intégrée est elle-même concernée de près par ces mouvements de concentration : la Pologne, l'Italie, la Grèce sont autant de marchés convoités qui s'offrent à ces conquérants financiers des pays voisins comme la France, l'Allemagne, l'Angleterre ou l'Espagne. Les marchés intérieurs de ces mastodontes marquent le pas, ils détournent alors leurs regards au-delà des frontières à la recherche, comme le montre une étude de PWC, davantage d'une clientèle nouvelle que de perspectives de délocalisation... Mais la question demeure de la pérennité de ce mouvement. Comment et quand les nationalismes des pays conquis pourront-ils bien réagir ? S'accommoderont-ils longtemps de ce phagocytage financier sans rien y opposer ? Les réponses commencent de nous parvenir, au fil des déclarations des gouvernants : c'est la Russie qui, mêlant la question à la lutte contre le blanchiment, propose de limiter, voire d'interdire les activités des filiales des banques étrangères. C'est aussi la Chine qui, arguant de ce que le pays doive préserver sa sécurité économique et financière, refuse d'aller au-delà des 25% de participation qu'elle autorisait jusqu'à présent. C'est enfin la Pologne qui conteste à un groupe germano-italien le droit de s'imposer comme n°1 des banques sur son territoire. En réponse à cette question sur l'attitude que risquent d'adopter les dirigeants de ces pays devenus la cible de nos champions, une récente mesure des autorités chinoises vient de manière ironique replacer le débat là où les autorités françaises de régulation l'ont arrêté, par la création d'un véritable "fichier positif" destiné à mesurer la capacité d'emprunt des particuliers chinois... près de 500.000.000 d'individus fichés comme un seul homme ! Voilà qui ressemble sacrément à une volonté d'habiller la mariée de ses plus beaux atours pour séduire le fringant banquier occidental qui s'est vu refuser sur ses propres terres un tel outil de sélection du risque...

Taux / Devises

Sur le "front" des taux, les annonces du trimestre dernier, à la suite du relèvement du taux de refi de la BCE à 2,25%, ont été globalement respectées : aucune hausse spectaculaire n'est venue contredire la position prise il y a trois mois par le gouverneur Jean-Claude Trichet. Tout au plus, un relèvement d'un quart de point s'est-il immiscé dans un scénario plutôt serein qui l'avait largement intégré et que le marché avait d'ailleurs anticipé. Les mêmes marchés ont déjà connaissance d'un niveau probable de ce taux de refi à 2,50 ou 3 % d'ici la fin de l'année, sans doute aux mois de juin et de septembre... Dans le même temps, une telle quiétude peut s'observer sur les marchés anglais et Etats-uniens dont les taux directeurs s'harmonisent à 4,50%, situant l'US$ à un niveau que d'aucuns qualifient même de "normal". Même signal des marchés japonais qui anticipent peu à peu une sortie du taux "zéro" (à condition que les prix veuillent bien progresser un peu...) en ne projetant que pour la fin 2006 un taux à 10 ans aux alentours des 2% (1,47 actuellement).

Sans vouloir absolument créer du sensationnel à tout prix, notons toutefois l'annonce, tout de même surprenante, d'une prochaine devise asiatique sur le modèle de l'ECU. 13 pays asiatiques (dont les membres de l'ASEAN augmentés du Japon, de la Chine et de la Corée du sud) ont en effet décidé de remédier aux inconvénients de la fluctuation de leurs devises entre elles. Ils créent donc l'Asian Currency Unit (ACU), une monnaie virtuelle d'échange dont le cours sera calculé à partir de la valeur moyenne des devises de tous ces pays. Une annonce qui, pour ne pas avoir défrayé la chronique d'une actualité plutôt terne en matière de taux, aurait pourtant dû appeler davantage de commentaires tant il serait facile de comparer les effets prévisibles d'une monnaie encore virtuelle, à l'ECU qui préfigura la création de la monnaie unique européenne... Rappelons que cette devise garantit tout de même aujourd'hui à l'Europe le record mondial des échanges commerciaux relevés au sein d'une même zone.


Achevé de rédiger le 30 avril 2006


Jean Pellegrino - Rédacteur d'articles, de revues de presse et d'éditoriaux. Son ambition est de faire partager un point de vue synthétique et original sur l'actualité économique en général et du crédit ou du rachat de crédits en particulier, tout en insistant sur les enjeux liés à cette activité.


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