EDITORIAL TRIMESTRIEL de Jean Pellegrino [Actualité économique et du crédit du 1er juillet au 30 septembre 2007] - ARC®

La Chine hors de contrôle?

Jamais une hausse des taux d'intérêt n'aura été aussi attendue ! C'est que cette hausse concernait la désormais 3e puissance économique mondiale -la Chine- et qu'elle est finalement intervenue mi-septembre (pour la 5e fois en 2007) en réponse à une série d'urgences portant sur un risque jamais atteint d'inflation et de surchauffe d'une économie galopante et d'un développement du crédit au particulier et à l'entreprise jamais constaté (+17,50% de croissance annuelle à fin août, +26,70 d'investissement en infrastructures). Les réserves de change de l'Empire du Milieu lui permettent certes de faire crédit au monde (et particulièrement aux USA), mais les Chinois vident leurs comptes en banque et vivent à crédit pour alimenter les bulles de toutes sortes (boursière, immobilière, industrielle)... les conséquences d'un retournement de croissance (qui entrainerait la chute de la solvabilité des emprunteurs chinois et une véritable crise issue du crédit) sont trop sérieuses, la machine donne des signes d'emballement.

Le parallèle avec la crise des crédits subprimes aux Etats-Unis –et avec la contagion au reste des économies occidentales- est tentant. On peut en effet distinguer le même rôle démultiplicateur du crédit. Mais la Chine appelle décidément tous les superlatifs : 54% du revenu des Chinois épargné, 44% du PIB investi, 1.400 Md$ de réserve de change, une capitalisation boursière record, 113 Md$ d'excédents commerciaux au 1er semestre (250 à 300 Md$ en 2007)... Comment reprocher aux populations de ne pas détourner leur regard d'une croissance de plus de 10 points supérieure aux taux d'intérêt et d'emprunter ? La croissance finance donc les crédits qui génèrent en retour la croissance : +28% de progression du volume annuel de crédit, des liquidités placées sur un marché déjà sur-dopé et alimentant une bulle prête à éclater, des banques publiques (ICBC et CCB) dépassant la capitalisation boursière de Citigroup et de Bank of America....

Des voix, en Occident, mais aussi en Asie, s'élèvent donc pour s'inquiéter du manque de contrôle des autorités chinoises sur le moteur de son économie. Un manque de contrôle qui ne serait cependant pas aussi évident qu'il y parait en raison, notamment, des spécificités du pouvoir politique chinois et de sa mainmise sur l'économie. Ni sa toute puissance fiscale ni ses réserves de liquidités ne font craindre un éventuel revirement des investisseurs ni le risque d'une crise financière... Ces armes seraient-elles suffisantes pour contenir les conséquences d'une chute de cette croissance, dont la Chine a tant besoin afin d'assurer la mutation d'une économie sur-industrielle en une économie de la consommation intérieure... et du crédit ?

Carte de crédit : les nouveaux moteurs du sepa et du cobranding

Particulièrement prisée en France, la carte de crédit connait un relatif palier de croissance, tant du point de vue de sa diffusion que de son utilisation. Le SEPA (Espace Unique de Paiement en Euro), en vigueur au 1er janvier prochain dans les 27 pays de l'Union, et la libéralisation en France de la pratique du cobranding (comarquage sur une même carte de crédit), ne devraient pas manquer d'y remédier. SEPA et cobranding devraient ainsi offrir de nouvelles perspectives aux banques en matière de distribution de crédits et de services.

Fondée sur la fidélisation d'une clientèle par la mise à disposition d'un moyen de paiement associé à un crédit, la pratique du cobranding, une fois libérée, devrait en effet bénéficier de l'imagination des services marketing. Elle devrait ainsi appuyer son développement sur une différenciation des services assortis tels le paiement, le crédit, les services de gestion client, etc. Une multitude de concepts à valeur ajoutée sont d'ores et déjà entrés en phase expérimentale, dont la carte sans contact testée par MasterCard et Visa. La tendance réside, à n'en pas douter, dans le recours à une segmentation de l'offre financière et/ou de service associée à la marque, dans le sens d'une meilleure adaptation aux attentes du consommateur...

SEPA et cobranding risquent fort de conduire en outre, rapidement, à un phénomène de concentration des opérateurs en cartes de crédit et de paiement, tant demeurent lourds les investissements préalables et nécessaires et l'entreprise soumise aux contraintes de ce type d'activité de volume et industrielle (3 Md€ pour la mise en application du SEPA). Attendue à un rythme de croissance de 15% annuel, la pratique du cobranding (dopée par l'harmonisation des moyens de paiement) devrait également favoriser les opérations de regroupement de réseaux nationaux de cartes de crédit, seul moyen pour certains de ces réseaux de survivre à une mise en concurrence trop inégale... En la matière, paraphrasant un slogan électoral récent, tout devient possible et de grands jours s'annoncent dans l'avenir de la carte de paiement.

Endettement des ménages et accès au crédit

La crise financière, déclenchée par la faillite des crédits accordés à taux variable aux ménages américains les moins solvables, risque-t-elle de limiter l'accès au crédit des entreprises et des ménages français ? C'est à peu près en ces termes que la question pourrait être posée : les produits structurés européens adossés à l'immobilier ont subi de plein fouet les revers financiers du crédit immobilier US. S'agit-il pour autant d'une amorce de crise de confiance des financeurs de l'entreprise et du particulier ?

Crise du crédit à cause de trop de crédit ? Moins de fonds pour le développement des entreprises dans un contexte mondial débordant de liquidités ? Le paradoxe ne serait pas mince... Les banques françaises, compte tenu de leur toute relative implication dans la crise, semblent cependant ne pas vouloir en prétexter les conséquences et se sont engagées auprès du gouvernement à ne pas limiter l'accès au crédit. En accord avec le Trésor, il semblerait même qu'une amélioration de l'accès au crédit immobilier soit envisagée pour les professionnels et salariés aux revenus irréguliers, ainsi que pour les personnes âgées, difficilement assurables.

Il se pourrait cependant que le marché du crédit rencontre des difficultés dans leur croissance, à tout le moins dans les mois à venir, en raison d'autres facteurs tout aussi préoccupants : l'endettement des ménages et la baisse du niveau de leur solvabilité. Endettés à presque 68% de leur revenu à fin 2006 (54% à fin 2002), les ménages français semblent en effet souffrir d'une chute de leur solvabilité en matière de prêt immobilier, malgré l'allongement de la durée du prêt moyen et à cause de la remontée notable des taux : plus de revenu consacré au financement de son logement, moins pour l'épargne et la consommation... crédit quant tu nous tiens !

Actualité en France

Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, dressait début juillet un constat à l'attention du marché et adressait quelques recommandations au secteur bancaire français : rien ne devait laisser croire à une quelconque faiblesse des grands établissements hexagonaux, encore moins en la possibilité d'un rachat, total ou partiel de l'un ou de plusieurs d'entre eux... Rien non plus ne devait laisser penser à ces mêmes établissements qu'il leur était désormais possible de détourner leur attention des indicateurs de rentabilité de la banque de détail ni de relâcher leur appréciation du risque chez le particulier et l'entreprise. La recommandation du gouverneur dictait même d'éviter les opérations visant à se défaire de ce risque (titrisation, dérivés de crédit, LBO). Mieux vaut continuer d'apprécier le risque pour mieux le tarifer et, ainsi, mieux le porter...

Fortement axés sur une politique de conquête en réaction à un contexte concurrentiel très fort, les grands acteurs de la banque de détail ont abordé depuis quelques années le marché intérieur au travers d'une politique de développement largement fondée sur le partenariat et le partage du risque en amont : stratégie multicanal pour LBP (prêts immobilier avec Matmut, monétique avec SG, produits financiers avec Oddo & Cie), concentration pour la Populaire et la Caisse d'Epargne avec la création de leur filiale commune Natixis pour la conquête du marché du crédit à la consommation (en partenariat avec Cetelem et sans exclure un futur accord avec LBP), partenariat avec les grandes enseignes de distribution pour Cofidis et Cetelem, mais aussi avec la VAD traditionnelle, la vad web, ou les réseaux de vente à domicile.

Actualité en Europe et dans le Monde

La crise des subprimes a monopolisé l'attention des observateurs de l'économie mondiale au cours de ce dernier trimestre. Le commentateur du moindre évènement ne pouvait se permettre de conclure le plus petit papier sans dénoncer la pratique éminemment condamnable ayant consisté à prêter, à taux variable qui plus est, à des ménages Américains à la limite de la solvabilité. Les suites données à cette folie, la titrisation des créances, sournoise et presqu'invisible, apparaissaient naturellement sous un jour encore plus condamnable... Laissons-là la foule de ces articles, ils ne furent pas plus nombreux que ceux vantant a contrario, il y a peu encore, l'appétit d'opérateurs de crédits des plus sérieux et responsables, exploitant en conscience « la niche » des subprimes. Souvent homme varie, bien fol qui s'y fie !

Nous ne retiendrons de cette péripétie que la formidable mobilisation des institutions financières, évitant en cela, non seulement la faillite de la plupart des établissements de crédit Américains, celle de nombreux Européens, de quelques banques et sociétés de courtage, mais évitant aussi le crash d'une économie mondiale plus que jamais interdépendante. La Commission Européenne a su, pour sa part, couvrir d'un pudique mouchoir ses principes d'orthodoxie anti-interventionniste pour admettre, qu'en deçà de 6 mois, les fonds avancés par les banques centrales ne constituaient en rien un acte de restructuration d'établissements en difficulté, mais bien une assistance d'urgence, aux effets collectivement profitables ... Autre emballement irrationnel exposé dans les lignes de nombreuses parutions depuis de nombreux mois –et reprises dans ces colonnes- la flambée de l'immobilier espagnol trouvait un terme au cours du trimestre passé. Celui-ci s'illustrait par la chute du nombre de crédits immobiliers, elle-même consécutive à la dégringolade des ventes de logements.

Des commentateurs d'une actualité internationale focalisés sur la crise financière n'ont guère fourni d'autre éclairage exploitable en dehors du signalement d'une montée en puissance des banques françaises sur les marchés internationaux. Le problème récurrent de la rentabilité de leur marché domestique trouverait-il une réponse adaptée dans la conquête de marchés nouveaux, en Afrique du Nord ou Subsaharienne, en Europe du Centre et de l'Est, en Chine ou au Brésil ? Il semblerait que nos fleurons nationaux aient décidé de coller aux besoins présents et futurs d'une population à la démographie galopante, mais aussi aux besoins en financement de projets ambitieux, voire à la conception de réseaux bancaires de détail et de crédit rentables...

Taux / Devises

L'annonce de la diminution d'un demi-point, mi septembre, du taux directeur Américain (passant de 5,25% à 4,75%) n'a pas levé la pression qui s'était installée sur les épaules de Jean-Claude Trichet, patron de la BCE... il s'agirait même du contraire. Les politiques de nombreux pays, notamment français, critiquaient depuis quelques mois le maintien d'un taux directeur élevé, contribuant ainsi à maintenir un Euro trop fort contre le Dollar Américain. Soutenue par la chancelière allemande, la BCE envisageait cependant de recourir à un nouveau relèvement des taux si d'aventure l'inflation pointait le bout de son nez...

Les conséquences pour une économie Européenne, très exportatrice, étaient facilement imaginables : certes débarrassée de tout risque d'inflation, l'Europe se serait installée dans la récession et aurait regardé de loin passer le train de la croissance mondiale... La décision de la Banque Centrale États-Unienne prive donc la BCE de ce scénario-catastrophe : avec ou sans inflation, il semble désormais difficile de risquer une crise de croissance européenne, croissance déjà mise à mal par la crise financière.

S'il était malgré lui conduit à baisser le niveau des taux directeurs pour soutenir, contre l'orthodoxie monétaire, une économie défaillante, le très tenace gouverneur de la Banque Centrale Européenne serait peut-être inspiré de considérer l'attitude de son homologue britannique face au risque de faillite de l'un de ses établissements les plus touchés par la crise financière en cours : contredisant une tradition de laisser-faire typiquement britannique en matière financière, le patron de la BoE n'a-t-il pas finalement procédé à la mi-septembre, droit dans ses bottes et avec toute la dignité qui sied à un sujet de sa Majesté, au renflouement de Northern Rock, spécialiste du crédit à l'immobilier ?


Achevé de rédiger le 31 octobre 2007


Jean Pellegrino - Rédacteur d'articles, de revues de presse et d'éditoriaux. Son ambition est de faire partager un point de vue synthétique et original sur l'actualité économique en général et du crédit ou du rachat de crédits en particulier, tout en insistant sur les enjeux liés à cette activité.


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